Kultur30. Mai 2024

Gaston Rollinger, poète du Hiehl, de l’Ellergronn, du Katzebierg …

«Däichter Deeg», mis en musique par Fränz Hausemer

de Michel Schroeder

C’est au Centre national de Littérature de Mersch qu’a eu lieu la présentation de l’enregistrement, sur CD et LP, de la mise en musique d’une sélection de poèmes de Gaston Rollinger, par le comédien, musicien et documentariste, Fränz Hausemer. Toutes les pièces furent interprétées et récitées lors de la soirée, faisant le bonheur du nombreux public qui, pour l’occasion, s’était déplacé à Mersch.

C’est au cours de son enfance que Fränz Hausemer avait déjà fait la connaissance de Gaston Rollinger. Ce dernier, étant en contact avec son père, Hubert Hausemer, professeur de philosophie, venait régulièrement chez eux à la maison. Ces deux passionnés de poésie partageaient ainsi une passion commune. Fränz Hausemer était alors âgé d’une petite dizaine d’années. Gaston Rollinger filmait, chez eux, dans leur maison de Bettembourg, ce qui éveilla l’intérêt pour les techniques cinématographiques chez le jeune garçon.

Les compositions de Fränz Hausemer adhèrent particulièrement bien aux poèmes de l’auteur. Elles les accompagnent, les soulignent, les rehaussent, leur apportent ivresse et profondeur…

Lors de cette soirée inoubliable au CNL, Fränz Hausemer était au piano et assurait le chant, accompagné par les musiciens Benoît Martigny, aux percussions, Benoît Legot, à la contrebasse, et Renata van der Vyver, à l’alto. C’est avec beaucoup de talent que Marco Lorenzini y a récité plusieurs poèmes de l’auteur.

Ce projet d’enregistrement est une première étape de l’hommage que Fränz Hausemer rend au poète dont il apprécie l’œuvre au plus haut point. Il travaille actuellement à un film documentaire qui sortira l’année prochaine.

Professeur et cinéaste

Gaston Rollinger, âgé aujourd’hui de 77 ans, est originaire du quartier du Hiehl, à Esch-sur-Alzette. Il a enseigné la langue de Goethe, tout en étant un cinéaste doué. Ses poèmes décrivent avec une rare justesse le Hiehl, qui a été son quartier durant toute sa vie, et dont il fait encore partie intégrante.

Avant l’interprétation de chacune de ses compositions, Fränz Hausemer nous a fait découvrir la vie de Gaston Rollinger, une vie dense, dans ce territoire minier collé à la frontière française.

Les poèmes de Gaston Rollinger racontent et décrivent également, de façon vivante et captivante, la «Seelebun» (funiculaire) de l’Ellergronn, le Katzebierg, le plateau Barbourg, la forêt profonde et vallonnée où, aujourd’hui encore, les vestiges sidérurgiques sont légion.

En 1960, il a commencé à emprunter la caméra de son papa, dans le but de tourner des films avec ses copains d’enfance, sur ce terrain qui fût celui de leurs jeux, de leurs initiations, de leurs découvertes, ainsi que de leurs aventures. Durant trente ans, il n’a cessé de mettre en image son quartier, et sa ville tant aimée, Esch-sur-Alzette. Il a beaucoup montré ses films au Lycée de Garçons, où il enseignait, puis il a réalisé des reportages pour RTL, notamment pour l’émission «Hei Elei Kuck Elei».

Il a toujours apprécié la poésie des autres, avant de se mettre lui-même à l’écriture. En 1982, il a obtenu le premier Prix de poésie des télévisions francophones à Montréal, pour sa mise en images du poème Mon Pays, d’Anne Blanchot-Philippi, incontournable poétesse d’Audun-le-Tiche.

Mettre en lumière les écrits de l’auteur

Gaston Rollinger passa à l’écriture dans les années 90. Son ami Hubert Hausemer en mis, à l’époque, une sélection en musique.

C’est encore Hubert Hausemer qui incita son ami à retravailler quelque peu ses poèmes, de les organiser en recueil. Puis, silence sur toute la ligne. Gaston Rollinger avait pris la décision de se retirer, de ne plus apparaître en public. C’est dans sa maison natale qu’il se réfugia. On ne peut que l’imaginer, méditant beaucoup, vivant sa poésie au quotidien, flânant à travers les terrains et territoires de son enfance et de sa jeunesse.

Grâce à son père, Fränz Hausemer a été remis en contact avec Gaston Rollinger. Un double projet le titillait, la réalisation d’un film documentaire sur Gaston Rollinger, ainsi que la mise en musique de ses poèmes.

Le magicien des mots

La poésie de Gaston Rollinger est intense et profonde, elle décrit, à l’aide de couleurs, de sentiments et de mots simples, des séquences de la vie, des séquences de sa vie. Son univers est limité à son quartier, aux endroits où il a aimé jouer, se promener, découvrir : le Hiehl, l’Ellergronn, le Katzebierg …

Beaucoup d’émotions jaillissent lorsqu’il évoque, dans ses textes, des personnes qu’il a connues, fréquentées aussi. Ce sont des générations entières d’Eschois qui ont trouvé refuge dans son cœur et ses souvenirs.

Wou ech wunnen

Net wäit vun deem Waasser, dat uerscht a verduerwen

vun déi Säit der Grenz ëm de Schlakentipp zitt,

am Buedem begruewen an dach net gestuerwen,

well hei an de Wissen, do gëtt et e Lidd.

Um Fouss vun de Fielsen, déi hannert den Haiser,

vu Baschten zerrass, an der Owessonn stinn,

am roude Revéier mat Brécken a Gleiser,

déi nëmmen drop waarden, zerschoen ze ginn.

Beim Wand an de Broochen, dee virun dem Wieder

de Stëbs vu Jorzéngte gär danze gesäit.

Beim Hauch aus de Grouwen, dee wäiss op de Blieder

am Wanter ëm d’Lächer um Kazebierg läit.

Sou no bei dem Uewen, dass d’Fonke vum Feier

mär kënnte verdreiwen all Keelt, aus dem Haus.

Mä niewen de Schinnen, do schnaddert d’Gemaier,

well d’Zäite si kal, an den Uewen ass aus.

Gaston Rollinger devient lugubre lorsqu’il met en scène l’Ellergronn, avec ses sorcières, ses féées, ses légendes, ses nymphes. Cette forêt l’a toujours hanté, de jour, comme de nuit. Inutile pour lui de partir en vacances, la plus belle des destinations était à sa portée !

Ses poèmes parlent de lieux disparus, d’activités qui n’existent plus : la Seelebun, le petit train qui circulait sur le plateau Barbourg. Rollinger met aussi en scène les tragédies du monde ouvrier et minier. Toute sa poésie est un régal. Oserais-je écrire que Gaston Rollinger est un magicien des mots ? Oh que oui !

Merci au poète, merci au compositeur …

Ellergronn

Eng däischter Kaul am Dännekessel

De Buedem gierkst – géi net ze no !

Tëscht laange Lëtschen a Brennessel

bruckt schwaarz e suppegt Waasser do.

Du weess: dës Plaz ass nët geheier,

sou dompeg Deeg am dréiwe Liicht.

Hei gloust et heiansdo wéi Feier,

an dach bleift alles naas a fiicht.

Hei gëlt keng Zäit, hei geet keng Auer.

No Allerséile richt de Bësch.

Den Heckenéil läit op der Lauer,

an déif am Dëmpel steet de Fësch.

Je voudrais terminer ici mon article, en reprenant ce que Fränz Hausemer a dit au sujet du projet de film documentaire qu’il consacre au poète : «Ce projet est aussi un hommage à la génération d’après-guerre, et en particulier à ceux de cette génération qui ont créé à côté de leur emploi. C’était leur jardin secret. C’était sérieux et très important. Cette génération a un regard important, sain, qui me plaît et que j’aimerais transmettre».

«Fränz Hausemer, après avoir dégusté votre mise en musique de Däischter Deeg, c’est à la fois avec curiosité et grand intérêt, que j’aimerais assister au plus vite à la Première de ce qui sera un chef-d’œuvre».